Lorsque nous lisons un texte, nous sommes inconsciemment soumis à nos acquis intellectuels et cela est vrai pour tout ce que nous lisons. Combien de fois n'avez-vous pas lu la fiche de montage d'un meuble ou la mise en route d'un appareil ménager en faisant à votre façon sans avoir lu ce que le papier disait de faire ? Si le résultat n'est pas le bon vous revenez à la fiche technique pour, enfin, la lire attentivement. Cette influence individuelle d'interprétation d'un texte n'est que la partie superficielle de la lecture, celle qui arrive en premier. Dans notre monde moderne, placé sous le signe de la communication électronique à outrance, c'est elle qui est souvent responsable des erreurs de compréhension dans les échanges professionnels par courriels par exemple avec en deuxième cause aggravante la définition des mots. Est-ce que je suis certain que mon interlocuteur a la même définition que moi d'un mot, surtout si ce dernier possède plusieurs définitions ? Combien de fois n'avez-vous pas demandé à un collaborateur ? "Tu as bien compris ce que je t'ai dit ?" ou "est-ce assez clair ?" sous-entendu est-ce que nous nous comprenons bien ? De plus, si un mot a plusieurs sens parfois proches, est-ce que je sais dans quel sens mon interlocuteur l'emploie ? Est-ce que je sais exactement ce qu'il signifie aujourd'hui ? Est-ce que je suis certain qu'un mot écrit dans une langue étrangère a bien été traduit et donc, dans le cas de textes très anciens comme ceux de la Bible, est-ce que ce mot a toujours le même sens ?
Prenons l'exemple simple d'une phrase de la vie courante : si de nos jours je dis ou j'écris "mon patron est un homme formidable" mon interlocuteur comprend que l'homme qui m'emploie, celui chez qui je travaille contre un salaire, inspire à ceux qui le connaissent de l'admiration, de l'étonnement et de la sympathie. Par contre, si cette même phrase se trouve dans un texte jusqu'au 19e siècle, tous les lecteurs de cette époque comprennent que l'homme chez qui je suis domestique, voire esclave, inspire de la crainte et est très redouté. Les mots patron et formidable ont pris au cours du temps deux sens complètement opposés. Ce sont toujours les mêmes mots mais ils ne veulent plus dire du tout la même chose. C'est ainsi que dans la Bible Second le mot formidable dans Habakuk 1/7 traduit le mot hébreu yare' qui signifie bien redoutable, affreux, frayeur, etc. comme en ancien français. Ainsi, la traduction dans une langue étrangère doit tenir compte du sens des mots au moment où ils ont été écrits.
Or nos bibles sont formées de textes écrits en hébreu et en grec qui datent de plusieurs centaines d'années. Pourtant la majorité de nos traductions, et ce dans la plupart des langues, utilisent très souvent le sens moderne du mot. Faute de place, il y a rarement des commentaires concernant les us et coutumes de l'époque qui expliqueraient pourquoi ces recommandations sont dans le texte. Ce dernier devient presque toujours un prétexte pour être pris à la lettre par certaines dénominations en courant le risque de se déconnecter du réel d'aujourd'hui. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui qui commande aux juifs du temps de Moïse de ne pas se raser les "pattes" (littéralement, les coins de la barbe) et qui a conduit les plus orthodoxes de la religion juive à se parer de magnifiques bouclettes ! Or cette recommandation intervenait dans un temps donné, juste pour ne pas imiter les égyptiens qui se les rasaient pour rendre un culte à leurs dieux. Cela n'a plus de sens au 21e siècle car aucun dieu païen ne demande de se raser les pattes ! J'ai volontairement pris un exemple en dehors des pratiques chrétiennes pour ne froisser personne mais la Bible fourmille d'exemples de ce genre dont les interprétations erronées et les applications abusives n'ont fait qu'instaurer des rites religieux contraignants, cause importante et à juste titre, du rejet de la religion et, hélas, de la désaffection des églises qui sont pourtant le lieu de la connaissance de Dieu.
Enfin, nous avons coutume de considérer le Nouveau Testament comme la somme de textes écrits en grec et bien sûr, ce fait est incontestable, mais nous en oublions que la majorité des auteurs sont des juifs et que toutes les paroles de Jésus ont été prononcées dans une langue sémite et non pas en grec. Il en résulte forcément des erreurs de traduction simplement parce qu'il est parfois très difficile d'établir une corrélation exacte entre un mot et sa traduction dans une autre langue. Ne venez pas avec l'argument tellement spirituel qui consiste à opposer le fait que ces hommes étaient sous l'inspiration du Saint Esprit et que donc ce qu'ils écrivaient étaient rigoureusement la pensée originelle de Dieu, bref, qu'il n'y a pas de doute à avoir. Pourquoi pensez-vous que la Parole répète inlassablement sous la plume de plusieurs auteurs les principales recommandations et ordonnances divines sinon pour être sûre qu'il n'y aura pas d'erreurs de compréhension ? Donc, prenons l'habitude d'appréhender avec circonspection les textes qui véhiculent une idée, qui donnent une recommandation ou un ordre à un endroit unique de la Bible. Pour vous en convaincre, je vous propose un exemple sur lequel chacun aura le droit de s'interroger quant à son authenticité scripturaire. Il s'agit de 1 Timothée 2/9 à 15 où une assertion très surprenante à propos des femmes est présente une seule fois dans toute la Bible :
Elle (la femme) sera néanmoins sauvée en devenant mère, si elle persévère avec modestie dans la foi, dans la charité (l'amour) et dans la sainteté.
Pourquoi est-il demandé aux femmes plus qu'aux hommes pour être sauvé sachant que par ailleurs, en Galates 3/28, Paul affirme que dans l'esprit, il n'y a pas plus de grecs ou de juifs qu'il n'y a d'hommes et de femmes ? L'esprit n'a pas de sexe. Est-ce à dire que les femmes qui n'enfantent pas ne sont pas sauvées et qu'elles doivent en faire davantage que les hommes ? Ce verset n'ayant aucun écho dans l'Ancien Testament et étant unique dans le Nouveau, il est permis de penser qu'il s'agirait d'un ajout volontaire à une époque précoce de la copie des Écritures. Reprenons le cours de la démonstration précédente. Ainsi, des juifs sont à l'origine des textes bibliques dont une partie est écrite en grec. Les concepts véhiculés sont donc parfois très différents et ont été difficiles à traduire lors de la rédaction du texte original en grec. Alors imaginez les distorsions de traduction au cours des siècles dues à l'éloignement dans le temps entre le traducteur et l'auteur originel. Cela est d'autant plus vrai qu'il existe un fossé philosophique entre la civilisation grecque et donc les concepts de sa langue et ceux de la civilisation sémite. Jésus pensait en araméen et se référait à la Thora et aux prophètes avec la mentalité sémitique de son époque. Les mots du Nouveau Testament doivent donc trouver leur source dans l'Ancien Testament et il est peu probable qu'ils véhiculent des notions philosophiques grecques ou latines. Je rappelle que je parle ici du sens des mots.
Intéressons-nous maintenant à divers mots utilisés çà et là dans nos traductions et dont certains sont abondamment employés dans les églises avec le sens actuel qui n'existe généralement pas dans le texte, souvent parce que celui-ci est postérieur aux textes originels. En effet, il est maladroit de traduire un mot employé voici plusieurs siècles avec une certaine définition par un mot plus moderne qui possède aujourd'hui une autre définition ou un sens dérivé. L'hébreu est la première langue des textes de la Parole de Dieu, le grec (puis plus tard le latin) n'ayant été utilisé, dans le Nouveau Testament, que pour son caractère plus universel au premier siècle comme l'est l'anglais aujourd'hui. Toute la sémantique et la pensée des Ecritures ont leur origine dans l'hébreu, donc il est indispensable de se référer à la racine linguistique des mots dans cette langue à l'époque où le texte a été écrit. Lorsque je parle avec mon père terrestre, je le fais avec les mêmes mots que j'utilise pour parler à ma mère, à mon frère, à mon patron, à mes amis, à mon boulanger, à mon garagiste, etc. Je n'ai pas besoin d'employer un vocabulaire spécialisé propre à chacun d'entre eux afin de leur manifester mon amitié et mon respect ou de leur demander quoi que ce soit. Pourquoi est-ce différent avec mon Père céleste, le Dieu que Jésus est venu nous montrer ? Par d'autres mots, pourquoi les hommes de tous les temps et dans toutes les religions se sont-ils crus obligés de créer un vocabulaire spécifique pour parler avec leur dieu ? Dans certaines religions, je peux le comprendre tant la divinité si lointaine ne mérite pas d'être connue mais, notre Père, le Père que notre Seigneur Jésus nous a révélé comme un Père-Amour, comme un Père-Pardon, comme un Père-Justice, pourquoi l'usage nous a-t-il contraint au cours du temps à créer un dialecte religieux dont le sens a souvent dérivé pour, de nos jours, être différent du sens biblique ?
Tous ces mots ont pris naissance à l'origine de nos langues occidentales modernes, entre le 10e et le 12e siècle, justement sous l'impulsion de la religion qui peu à peu commença à se doter d'un vocabulaire propre, créant ainsi une vraie séparation entre le clergé et le peuple. Celui-ci, sous la pression du clergé, prend de plus en plus conscience qu'il a alors besoin d'un intermédiaire pour s'adresser à Dieu à l'instar du peuple sorti d’Égypte qui demande à Moïse d'être son médiateur. Au début, beaucoup de ces mots ne s'emploient que dans le contexte religieux puisqu'ils sont créés à cet effet et toujours dans le but de s'adresser à ce Dieu vécu comme si lointain de la vie des gens ordinaires souvent illettrés, qu'un langage spécifique plus respectable et des intermédiaires s'imposent ! Bien sûr, les valeurs originelles que les mots véhiculent existaient avant mais désormais ils ne sont employés que pour Dieu et prennent un sens mystique et révérencieux. La plupart d'entre eux n'existent pas dans la Bible et quand ils existent, ils ne sont pas empreints de ce sens religieux. Le but de cette étude n'est pas de les bannir de nos cultes, ce serait parfaitement stupide tant ils sont présents partout dans notre vocabulaires liturgique. Il s'agit juste de réhabiliter leur sens originel au moment de leur traduction.
Mais à titre d'exemple passons d'abord par un écart de traduction qui illustre une dose d'interprétation par rapport à l'original dans de nombreuses versions. Il est un passage très connu dans les églises dont le verset qui précède n'a apparemment aucun rapport dans nos traductions et rares sont les notes qui l'expliquent.
La Parole de l'Éternel me fut adressée en ces mots : que vois-tu Jérémie ? Je répondis : je vois une branche d'amandier. Et l'Éternel me dit : tu as bien vu car je veille sur ma parole pour l'exécuter.
Quand on regarde dans l'hébreu on constate un jeu de mot entre shaqéd, un rameau d'amandier et shoqéd, je me hâte qui a été traduit à tort par je veille : je veille sur ma parole pour l'exécuter ne dit pas du tout la même chose que je me hâte d'exécuter ma parole. Seul Chouraqui note l'erreur et sa traduction est plus proche de celle de Jacques Kohn dans la traduction du Rabbinat qui d'ailleurs ne parle pas de l'amandier mais qui reporte mot à mot ce que dit Jérémie à l'époque en le désignant par ce qui le caractérise comme cela se faisait aussi en français jusqu'au Moyen-Age, à savoir l'arbre hâtif ce qui rend le jeu de mot complet. La traduction la plus proche du texte est alors :
Et c'est la parole de Yahvé pour me dire : que vois-tu, Jérémie ? Je dis : un bâton d'amandier, moi, je le vois. Yahvé me dit : tu as bien vu, oui je me hâte de faire ma parole. (version Chouraqui)
Dire que Dieu veille sur sa Parole pour l'exécuter est certes intéressant mais de savoir qu'il l'exécute avec empressement, sans tarder me semble plus important, plus encourageant pour nous qui attendons une réponse mais aussi nous oblige, à notre tour, de ne pas tarder pour pratiquer ce que Dieu nous demande de faire.
LISTE DES MOTS ÉTUDIÉS
Adorer – Aimer : La puissance de l'Amour – Autour de bénir et maudire
Autour du bonheur – Comme - Glorifier, honorer, louer : Autour de la louange
Péché et sanctification - Prosterner : voir Adorer - Saint : voir Péché et sanctification
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