Dime et prémices selon la Bible (2)

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6. La normalisation de la dime par la loi


Nous avons vu jusqu'à présent que la notion de dime était une pratique courante bien avant Abraham dans le bassin de la Mésopotamie et qu'elle s'étendait à tout le Proche Orient mais aussi qu'elle était très variée quant à son appli­cation en fonction des peuples et des époques. Avec la libération surnaturelle des hébreux esclaves de l’Égypte par le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, tel qu'il se présente à Moïse (Exode 3/6), nous rentrons dans la normalisation de sa pratique et donc pas de son origine. Il serait faux de croire que les peuples du Proche Orient avaient cessé de pratiquer la dime selon leurs coutumes quand les hébreux vinrent conquérir Canaan. De même nous verrons que la dime mosaïque a été établie pour répondre à un besoin en rapport avec des coutumes ances­trales. Pour mieux comprendre, la dime était l'impôt le plus répandu de cette époque puisqu'on l'appliquait dans la sphère civile comme dans la sphère religieuse dans tout le Proche-Orient. De nos jours ce n'est pas une dime que demandent les États modernes mais plutôt un impôt fon­cier ou sur le revenu. Si à cette époque on avait imposé la superficie (impôts foncier) plutôt que la récolte (impôt sur le revenu), seuls les rois et les hauts fonctionnaires étant propriétaires, l'assiette des contribuables, comme on dit de nos jours, aurait été peu importante et n'aurait pas per­mis de financer et la religion et la royauté !

 

Dieu détourne la dime païenne

La dime mosaïque est indissociable de la terre de Canaan comme la dime païenne l'était par rapport aux divers royaumes du Proche-Orient selon les pratiques que nous avons vu plus haut. La dime mosaïque est également indissociable de la conquête spirituelle de Canaan. En effet l'ordre de Dieu a d'abord été d'exterminer tous les peuples présents à Canaan et de détruire tous leurs lieux de culte pour éviter aux hébreux la tentation de tomber dans le piège de l'idolâtrie qui passerait aussi par l'offrande de dimes aux divinités cananéennes. Désormais Dieu s'est révélé au peuple et s'appelle "Je suis" même si El Elyon est un de ses attributs ; il est devenu le dieu unique du seul peuple hébreu qui en est devenu le sacrificateur universel.

Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne pour héritage, lorsque tu le possèderas et y seras établi, tu prendras les prémices de tous les fruits que tu retireras du sol dans le pays que l’Éternel te donne, … Tu diras : j'apporte les prémices des fruits du sol que tu m'as donné, ô Éternel. (Deutéronome 26/1-2 et 10)

Ce verset fait référence aux prémices qui, nous le verrons, sont différentes de la dime, mais il nous montre que la première condition était d'être établi sur une terre dont l’Éternel est le roi parce qu'il l'a conquise en chassant tous les peuples de Canaan devant Israël. Remarquez qu'il est écrit "que tu m'as donné" en référence "au sol" et non pas "que tu m'as donnés" qui serait lié à "fruits" même si c'est aussi Dieu qui les donne. Cela prouve que les prémi­ces comme la dime, sont indissociables du sol et non pas en relation avec la bénédiction qui elle, fait monter vers Dieu la louange et l'offrande. Pour s'en convaincre un peu plus regardons la raison que Dieu lui-même donne à la nor­malisation de la dime.

C'est pourquoi, Levi n'a ni part ni héritage avec ses frères : l’Éternel est son héritage, comme l’Éternel, ton Dieu, le lui a dit. (Deutéronome 10/9)

L’Éternel dit à Aaron : tu ne possèderas rien dans leur pays et il n'y aura point de part pour toi au milieu d'eux. C'est moi qui suis ta part et ta possession au milieu des enfants d'Israël. Je donne comme possession aux fils de Levi toute dime en Israël pour le service qu'ils font, le service de la tente d'assignation. (Nombre 18/20-21)

Et bien vous voyez, Dieu donne la dime aux lévites donc il faut donner la dime pour payer les pasteurs et financer l'église ! Mes amis, voilà le raccourci simpliste, qui plus est, entaché de nombreux sophismes, qui ne plaide pas en faveur de votre compréhension du contexte du XVe siècle avant notre ère pas plus que de la nature de la dime et de son application. Si vous militez pour le maintien de la dime fondé sur ce genre de verset, pourquoi en changez-vous et sa nature et sa destination ? Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, les lévites n'exercent plus dans nos églises pour recevoir la dime car la fonction de lévite est liée à la tente d'assignation puis au temple selon l'Ancienne Alliance. Désormais chaque chrétien est le temple du Saint Esprit et l'église n'est pas un temple mais le corps de Christ. Ensuite il est dit que la dime revient aux lévites parce qu'en Canaan ils n'ont pas reçu de terres en héritage qui leur auraient permis de subvenir à leurs besoins alimentaires et donc la part qui aurait dû leur revenir a été partagée entre les onze autres tribus à charge de pourvoir aux besoins des lévites qui sont consacrés au culte. Idem pour les sacrifica­teurs qui, comme leur nom l'indique, avaient pour mission de sacrifier les animaux offerts en holocaustes. C'est à ce titre que les lévites devaient à leur tour donner aux sacrifi­cateurs la dime des dimes du peuple puisque ces derniers étaient aussi issus de la tribu de Levi. Les autres tribus exploitent les terres pour les lévites et les sacrificateurs qui se consacrent aux pratiques religieuses et ça leur coûte le dixième des récoltes ce qui, avec 10 ou 11 tribus (selon que l'on compte Siméon avec Juda), permet de donner à Levi la même quantité que les autres : quelles soient bon­nes ou mauvaises, tout le monde est solidaire des récoltes.

C'était l'organisation parfaite pour le fonction­nement de la nation d'Israël sous l'Ancienne Alliance qui n'a plus rien à voir avec nous. N'oubliez pas que la dime est exigible uniquement sur la terre d'Israël et c'est de cette façon que le judaïsme l'a appliqué jusqu'après la destruction du temple en 70 de notre ère, tant qu'il y avait des lévites et des cultes juifs en Palestine. De nos jours il n'y a plus non plus de sacrificateurs tel que défini dans la Torah puisque chaque chrétien est à la fois roi et sacrifica­teur dans des proportions variables selon l'appel de cha­cun et que tous les ministres, homme ou femmes de Dieu de la Nouvelle Alliance, n'ont plus la mission des sacrifices mais celle du perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ (Éphésien 4/11) ; à ce titre ils ne sont plus payés en nature avec des produits du sol comme la dime mosaïque qui fluctuait au gré des récoltes, mais ils perçoivent un salaire stable que l'église finance avec la même stabilité. Plus loin nous verrons comment financer les églises car contraire­ment à la pratique actuelle qui utilise la dime pour le fonc­tionnement de l'église, la dime mosaïque n'a jamais était utilisée pour construire la tente d'assignation et les deux temples de Jérusalem, pas plus que toutes les synagogues qui furent bâties pour l'enseignement du peuple.

Écoute donc leur voix mais donne-leur des avertissements et fais connaitre le droit du roi qui règnera sur eux. … Il prendra la dime du produit de vos semences et de vos vignes et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. Il prendra la dime de vos troupeaux et vous-même serez esclaves. (1 Samuel 8/9, 15 et 17)

Ce passage est très explicite : Dieu dit à Samuel d'avertir le peuple qui demande un roi que celui-ci aura des droits sur la dime puisqu'il ne peut y avoir deux rois, maîtres d'un même territoire. Aujourd'hui, Dieu s'attend à ce que nous soyons généreux comme lui-même est géné­reux mais la générosité étant une attitude de cœur elle ne peut s'exprimer que dans la liberté de l'offrande : elle ne se décrète pas par une loi, elle ne s'impose pas pour se faire aimer. Le non respect d'une obligation est toujours accompagné d'une punition or ce n'est pas la relation qu'un chrétien entretient avec son Seigneur. Dieu est bon tout le temps, même pour les païens et la seule loi qui doit demeurer dans nos cœurs et s'exprimer est celle des dix commandements qui nous parle d'aimer Dieu et son pro­chain ! Ne confondez pas l'obéissance avec l'obligation. L'obéissance est un acte de soumission par amour et dans la confiance, l'obligation est le chantage des tyrans.

 

La dime mosaïque concrètement

Seules les principales productions agricoles étaient soumises à la dime selon des règles qui ont fluctué avec les époques. Selon Lévitique 27/30-33, la loi biblique limite la dime aux récoltes de la terre, aux fruits des arbres et aux gros et menu bétail sans plus de précision. En revan­che, en Deutéronome 11/13-14, Dieu nous renseigne à ce sujet en nous disant que certaines cultures sont dimées parce que c'est lui qui les fait prospérer à cet effet. Par d'autres mots, comme il demande une dime pour subvenir aux lévites qui désormais lui appartiennent, il va se charger de faire pousser en abondance les cultures concernées :

… si vous aimez l’Éternel, votre Dieu et si vous le servez de tout votre cœur et de toute votre âme (1er commandement) je donnerai à votre pays la pluie en son temps, la pluie de la première et de l'arrière-saison et tu recueilleras ton blé, ton moût et ton huile ; je mettrai aussi dans les champs de l'herbe pour ton bétail …

La dime pratiquée par le culte hébraïque est par­faitement codifiée dans divers traités pour ce qui concerne les produits assujettis à la dime, le stade de croissance auquel ils deviennent assujettis et à quel moment après la récolte, les produits trouvés dans les champs qui, selon les cas les rendent assujettis à la dime, la dime des fruits con­servés ou les types de légumes exempts de dime, etc. Êtes-vous bien sûr de vouloir continuer à appliquer la dime en respectant la loi que vous revendiquez alors que nous ne sommes plus sous la loi ? La halakhah, sorte de code de pratique du judaïsme, définit les cultures soumises à la dime comme étant "tout ce qui est nourriture cultivée à partir de la terre" ce qui exclut la cueillette de plantes poussant à l'état sauvage. En règle générale les cultures assujetties à la dime sont celles que les lévites n'ont pas le temps de cultiver ou pour lesquelles ils n'ont pas la super­ficie suffisante pour le faire. Certes, ils n'ont pas eu de part au partage des terres mais toutes les familles de lévites ont reçu une terre pour bâtir leur maison et cultiver un pota­ger, voire des arbres fruitiers. La dime portait surtout sur les céréales cultivées (blé et orge), le vin et l'huile, puis moins fréquemment au fil des époques sur le miel (de dattes), certains fruits (les amandes, les grenades) mais aussi le gros (bœufs) et le menu bétail (brebis) qui se nour­rissent de l'herbe que le Seigneur prend soin de faire pousser en abondance comme nous l'avons vu. Mais le lait, les ânes, les dromadaires, les chèvres, les poules, les pigeons, les canards, le bois, les produits de la chasse et de la pèche, etc. n'ont jamais été dimés. Il existait aussi des nuances selon la destination de la production. Par exemple si le blé était destiné au commerce et non pas à être con­sommé, il n'était plus soumis à la dime.

En fait la dime est une pratique féodale qui cor­respondait à la pratique du métayage où le loyer de la terre était payé en nature au propriétaire. Donc, dans la dime mosaïque, seuls les propriétaires et les exploitants locataires des terres la donnaient aux lévites. Toutes les autres activités y compris agricoles qui ne dépendaient pas directement de la terre (meunier ou vigneron par exemple) ne faisaient pas l'objet d'une dime. C'est le cas notamment de la collecte de bois pour la cuisson ou les holocaustes, le chauffage ou la construction, c'est le cas de la cueillette de plantes sauvages et bien sûr de toutes les activités, agri­coles ou non (le salaire des ouvriers non plus car la dime était toujours donnée en nature). L'apôtre Pierre, ne don­nait pas de dime car il était pécheur, Joseph ne donnait pas de dime car il était charpentier et Jésus ne donnait pas de dime sur les offrandes qu'il recevait car il était docteur de la loi et prophète ! Quand Jésus reproche aux pharisiens de donner la dime des herbes au détriment de l'amour et de la justice il dénonce leur religiosité exacerbée mue par la dureté de leur cœur. Vous ne trouverez jamais un exemple de salaire soumis à la dime !

Après avoir vu les produits que la loi de Moïse assujettit à la dime, voyons comment elle était distribuée. J'insiste bien sur la définition de la dime dans la loi de Moïse car au cours des siècles, au gré des périodes plus ou moins troublées, la religion juive a adapté la dime en fonc­tion des circonstances. C'était le cas sous la période des rois hasmonéens qui ont essayé de prendre le contrôle de la dime pour en faire une taxe à leurs propres fins ou encore par le fait que de nombreux sacrificateurs et lévites étaient devenus propriétaires ce qui ne justifiait plus de leur verser une dime. C'est exactement ce dont il est question à l'époque du prophète Malachie et du fameux verset cité dans les églises pour accuser les chrétiens qui ne donnent pas la dime de voler Dieu (voir plus loin). La dime portant sur les productions agricoles, elle est aussi corrélée aux règles d'exploitation des terres. La loi juive est stricte à ce sujet et suit la règle définie en Lévitique 25/2-17 qui autorise la culture de la terre pendant six ans mais la septième année elle devait rester en jachère : c'est le sabbat de la terre, l'année de son repos. La dime juive se répartit en trois catégories qui se distinguent par la nature du bénéficiaire et l'usage qui en est fait. Elle est alors prélevée lors de deux cycles successifs de trois ans et chaque année est différente des deux autres.

 

Partie 2 : Dime et prémices selon la Bible
4. La dime avant la Torah
5. La dime des patriarches

 

6. La normalisation de la dime par la loi
Dieu détourne la dime païenne
La loi mosaïque concrètement

 

A suivre : 6. La normalisation de la dime par la loi, le cycle de la dime