6. La normalisation de la dime par la loi (suite)
Le cycle de la dime
1. La première année, la dime est donnée aux lévites qui font le service au sein des tribus dans lesquelles ils habitent (Nombres 18/21-32). Le verset 31 précise "vous la mangerez en un lieu quelconque, vous et votre maison car c'est votre salaire …" En Deutéronome 12/5 on comprend donc qu'il y a une multitude de lieux répartis dans chaque tribus "… et vous irez au lieu que l’Éternel votre Dieu choisira parmi toutes vos tribus pour y placer son nom." La première raison est que le temple de Jérusalem n'existe pas encore mais surtout essayez d'imaginer l'impossibilité de demander à tous les redevables de la dime de transporter quantités de produits agricoles en un lieu unique pour les donner à des lévites qui, eux aussi, doivent faire le déplacement, alors qu'ils sont voisins et revenir la consommer dans leurs maisons. Pas très pragmatique tout ça ! En revanche les lévites devaient apporter leurs dimes aux sacrificateurs à Jérusalem dès que le temple est construit. L'expression "pour y placer son nom" est très intéressante et reprise dans le verset 11 sous une forme différente "pour y faire demeurer (résider chez Second) son nom." En hébreu, le verbe traduit par placer ou demeurer a pour racine "mishkân" (la demeure), substantif de genre masculin, qui désigne un lieu physique alors qu'après la destruction du temple le mot employé sera "shekhina" (présence divine) d'essence purement abstraite. Tout cela fait écho à Exode 25/8 "ils me feront un sanctuaire et j'habiterai au milieu d'eux" où on comprend bien que Dieu n'habite pas dans un lieu concret mais au milieu de son peuple, à rapprocher de "là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom je suis au milieu d'eux." Or, selon les croyances de l'époque, puisque le nom de l’Éternel est attaché à un lieu physique, il devient possible aux hommes de s'adresser directement à Dieu afin de l'appeler, de le consulter, de le supplier comme le confirme 1 Rois 8/29 : "… sur le lieu dont tu as dit : là sera mon nom. Écoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu." C'est dans ces lieux que se trouvent les lévites qui perçoivent la première dime.
2. La deuxième année, la façon de donner la dime nous est très bien détaillée en Deutéronome 14/22-27 et pourtant je n'ai jamais entendu prêcher quoi que ce soit sur ce que vous avez sans doute déjà lu mais que nos traditions évangéliques feignent d'ignorer :
Tu lèveras la dîme de tout ce que produira ta semence, de ce que rapportera ton champ chaque année. Et tu mangeras devant l'Éternel ton Dieu, dans le lieu qu'il choisira pour y faire résider son nom, la dîme de ton blé, de ton moût et de ton huile et les premiers-nés de ton gros et de ton menu bétail afin que tu apprennes à craindre toujours l'Éternel ton Dieu. Peut-être, lorsque l'Éternel ton Dieu t'aura béni, le chemin sera-t-il trop long pour que tu puisses transporter ta dîme, à cause de ton éloignement du lieu qu'aura choisi l'Éternel ton Dieu pour y faire résider son nom. Alors tu échangeras ta dîme contre de l'argent, tu serreras cet argent dans ta main et tu iras au lieu que l'Éternel ton Dieu aura choisi. Là, tu achèteras avec l'argent tout ce que tu désireras, des bœufs, des brebis, du vin et des liqueurs fortes, tout ce qui te fera plaisir, tu mangeras devant l'Éternel ton Dieu et tu te réjouiras, toi et ta famille. Tu ne délaisseras point le lévite qui sera dans tes portes car il n'a ni part ni héritage avec toi.
Cette deuxième dime était apportée en fin d'année en un lieu unique parmi les tribus, choisi par Dieu pour y faire résider son nom. Quand le temple fut achevé, elle pouvait être amenée jusqu'à Jérusalem pour y être consommée par le producteur et sa famille mais aussi ses serviteurs qui y étaient conviés. Elle était partagée avec les lévites qui faisaient le déplacement car c'était un grand moment de fête où tout Israël participait . D'ailleurs, à cause de l'esprit religieux permanent chez les hommes, le judaïsme a dû définir avec précision quelles étaient les limites de la ville. Pour des raisons pratiques, il était possible de changer sa dime contre de l'argent, plus facile à transporter notamment à Jérusalem, puis d'acheter tout ce qui ferait plaisir au donateur de la dime. Pour ceux qui auraient encore des blocages à entendre ce que Dieu dit à ce sujet, lisons d'autres passages pour que vous soyez convaincu que je n'invente rien :
Tu consacreras à l'Éternel, ton Dieu, tout premier-né mâle qui naîtra dans ton gros et dans ton menu bétail. ... Tu le mangeras chaque année toi et ta famille devant l'Éternel ton Dieu dans le lieu qu'il choisira. (Deut. 15/19-20)
C'est là que vous présenterez vos holocaustes, vos sacrifices, vos dîmes, vos prémices, vos offrandes en accomplissement d'un vœu, vos offrandes volontaires et les premiers-nés de votre gros et menu bétail. C'est là que vous mangerez devant l'Éternel votre Dieu et que vous et vos familles vous ferez servir à votre joie tous les biens par lesquels l'Éternel votre Dieu vous aura bénis. (Deutéronome 12/6-7)
Mais c'est devant l'Éternel ton Dieu que tu mangeras, dans le lieu que l'Éternel ton Dieu choisira, toi, ton fils et ta fille, ton serviteur et ta servante et le lévite qui sera dans tes portes ; et c'est devant l'Éternel ton Dieu que tu feras servir à ta joie tous les biens que tu possèderas. Aussi longtemps que tu vivras dans ton pays, garde-toi de délaisser le lévite. (Deutéronome 12/18-19)
Avant tout commentaire, observez ici l'emploi du mot servir étudié dans un autre thème. Sa définition est celle d'une synonymie avec soumettre, Dieu nous demandant de nous laisser aller à la joie lors de cette deuxième dîme selon sa façon de la pratiquer. Payer un impôt n'engendre jamais de la joie mais l'utilisation que Dieu demande de cette dîme n'est que célébration. Elle avait pour but d'être l'occasion d'une grande réjouissance au même titre que les fêtes annuelles où tout le peuple se réunissait pour célébrer Dieu de ses œuvres dans la vie de chacun. Dieu était réellement glorifié car toutes les dimes démontraient sa bénédiction à la vue de tout Israël mais aussi des païens présents. Imaginez les milliers de têtes de bétail, les volumes de fruits, de blé, d'huile et de vin, toute cette prospérité partagée dans la louange à Dieu. Assurément cela avait une autre dimension que nos dimes dévoyées, cachées dans une enveloppe. Imaginez les odeurs, le brouhaha de la foule quand tout le monde vient montrer aux autres ce que Dieu a fait cette année ; imaginez les rires dans la communion fraternelle, imaginez ce témoignage collectif pour les peuples alentours et les étrangers présents mais aussi pour la croissance individuelle de sa propre foi. Pour Dieu, la deuxième dime est la plus importante et à ce titre elle est sacrée car la seule qui le glorifie aux yeux du peuple et c'est donc d'elle qu'il est question dans la plupart des versets qui parlent de dime et des premiers-nés.
J'attire votre attention sur le verset 26 de Deutéronome 14 ci-dessus. Dieu, lui même, pas un homme, je répète Dieu lui-même, nous dit qu'avec l'argent nous pouvons acheter du vin et même des liqueurs fortes, tout ce qui nous fait plaisir. Alors, quand dans l'église, des chrétiens en apparence confirmés ou parfois certains pasteurs s'indignent d'un chrétien qui boit du vin ou une bière lors d'un repas sous prétexte d'être une pierre d'achoppement, c'est moi qui en suis choqué car comment un chrétien lambda peut être la pierre d'achoppement d'un chrétien plus ancien dans la foi ou d'un pasteur censé être spirituellement affermi ? La recommandation de Paul sur ce plan (Romains 14/10-15) est hiérarchique et liée à la foi : s'abstenir devant des gens plus faibles dans la foi est une preuve d'amour mais s'abstenir pour quelqu'un qui est censé avoir une plus grande compréhension de la Parole m'échappe car ce n'est pas ce que je lis dans ma Bible.
3. La troisième année, la dime est donnée d'une façon encore différente. Les bénéficiaires sont les nécessiteux : Au bout de trois ans, tu sortiras toute la dime de tes produits pendant la troisième année et tu la déposeras dans tes portes. Alors viendront le Lévite qui n'a ni part ni héritage avec toi, l'étranger, l'orphelin et la veuve qui seront dans tes portes et ils mangeront et se rassasieront afin que l'Éternel ton Dieu te bénisse dans tous les travaux que tu entreprendras de tes mains. (Deutéronome 14/28-29)
Cette dime n'est pas apportée à Jérusalem mais reste là où vit le producteur et est mise à la disposition de tous ceux qui vivent dans le manque. C'est la dime de la solidarité en direction des pauvres qui participe à la mise à l'épreuve du peuple collectivement donnant du sens au proverbe 22/2 qui nous dit que "Le riche et le pauvre se rencontrent, c'est l’Éternel qui les a faits l'un et l'autre." Dieu crée les situations et les circonstances de la vie juste pour tester le cœur de ses enfants. Dans le cas présent, n'oubliez pas qu'on parle de la dime et non pas d'offrandes. Cette dime s'adresse aux pauvres qui sont dans nos portes ceux qui appartiennent à la collectivité locale quels qu'ils soient. Toutefois aux versets 7 et 8 le texte introduit une nuance en ce que, si la dime est ouverte à tous, le prêt pour pourvoir temporairement aux besoins d'un nécessiteux ne s'adresse qu'à un frère résident dans le pays et non plus à l'étranger :
S'il y a chez toi quelque indigent d'entre tes frères dans l'une de tes portes, au pays que l’Éternel ton Dieu te donne, tu n'endurciras point ton cœur et tu ne fermeras point ta main devant ton frère indigent mais tu lui ouvriras ta main et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins.
Or le frère qui est indigent est celui qui n'a pas "obéit à la voix de l’Éternel son Dieu en mettant soigneusement en pratique tous ces commandements que je te prescris aujourd'hui." selon la promesse de Deut. 15/4 "il n'y aura point d'indigent chez toi car l’Éternel te bénira." Par d'autres mots il y aura des indigents chez les autres, ceux qui pratiquent différemment de la façon de Dieu. Donc s'ils ne font pas selon la volonté de Dieu, tu ne leur fais pas l'aumône et ils ne peuvent pas jouir de cette troisième dime mais tu peux les aider par un prêt. Les bénéficiaires de cette dime sont tous ceux qui ont un handicap aussi bien physique (aveugle par exemple) que familiaux (veuve, vieillard et orphelin) en rapport avec le fait qu'aucun n'est destiné à travailler la terre. A cette époque, seuls les hommes avaient pour fonction le travail de la terre pour pourvoir aux besoins de la famille, l'exemple du livre de Ruth où les femmes n'ont plus de maris et doivent partir pour se mettre sous la protection d'un homme nous montrent cette réalité. Un homme en bonne santé a pour devoir de travailler et s'il ne le fait pas ce n'est qu'un paresseux auquel, Dieu, dans sa grande miséricorde donne l'opportunité de se reprendre avec l'aide d'un frère qui lui consent un prêt pour ses besoins primaires, au moins se nourrir :
Va vers la fourmi, paresseux, considère ses voies et devient sage. (Proverbes 6/6)
Un peu de sommeil, un peu d'assoupissement, un peu croiser les mains pour dormis et la pauvreté te surprendra comme un rôdeur et la disette comme un homme en armes. (Proverbes 24/33-34)
Les deux cycles successifs des trois années de dimes s'adressent à trois types de bénéficiaires principaux :
A l'issue de ces deux cycles de trois ans, la septième année était l'année du repos de la terre où aucune dime n'était prélevée, Dieu doublant les quantités de la sixième année. Telle était la pratique détaillée de la dime selon la Bible et elle n'a rien à voir avec la pratique actuelle dans les églises qui pourtant se prévalent de tous les textes que nous avons étudiés. Toute dime chrétienne est donc une hérésie car elle est une sorte d'hybride entre la dime babylonienne étendue à toutes les ressources de l'individu, au contraire de la dime mosaïque, et la façon discrète de faire une aumône telle que l'enseigne Jésus en Matthieu 6/3. Or, si les aumônes doivent se faire dans le secret pour ne pas mettre mal à l'aise celui qui mendie, il n'en est pas de même des offrandes faites par élévation et de la dime car, par leur caractère démonstratif elles célèbrent la gloire de Dieu. C'est tout le sens du fameux passage de Malachie.
Partie 2 : Dime et prémices selon la Bible | |
4. La dime avant la Torah
5. La dime des patriarches
6. La normalisation de la dime par la loi
Dieu détourne la dime païenne
La loi mosaïque concrètement
|
Le cycle de la dime
|
A suivre : 6. La normalisation de la dime par la loi, la colère de Dieu en Malachie