Comme suite à tous les commentaires qui ont été faits concernant la relation que doivent avoir les chrétiens vis-à-vis des migrants qui, selon les propos du Pape lors de sa vite à Marseille seraient nos prochains, il m’a semblé opportun de compiler ce que la Bible dit à ce sujet. Nous étudierons linguistiquement trois mots clés dont deux sont dans le titre, le troisième étant le mot miséricorde. En effet il est très important de se plonger dans les textes originaux pour savoir ce qui se cache derrière nos traductions. C’est bien beau d’énoncer une doctrine religieuse et de culpabiliser les pays d’accueil encore faut-il savoir ce que Dieu dit dans sa Parole à ce sujet et qu’est-ce qu’il attend de nous sur ce plan.
L'étranger
Pour comprendre le statut et les droits que la Bible octroie à un étranger dans une société humaine et même si implicitement tout le monde sait qui il est, il faut bien sûr remonter à l’origine du concept et du mot dans l’hébreu. La version Second utilise 126 fois le mot étranger pour traduire en réalité 7 mots en hébreu qui apportent des variantes à cette notion :
- Guwr (ou gur se prononce gour). Ce mot traduit en très grande majorité la notion de séjourner, de rester, demeurer ou habiter puis dans une moindre mesure il est traduit par crainte, avoir peur, comploter et enfin il est utilisé deux fois pour étranger.
- Maguwr (se prononce magour). Il est très rarement traduit par étranger en tant que substantif mais en tant qu’adjectif ; il est proche du précédent, ajoutant la nuance de séjourner, d’habiter dans un endroit en tant qu’étranger, comme étant étranger.
- Nekar (se prononce néhar le h étant guttural comme la jota espagnole). Il est souvent traduit en tant qu’adjectif mais aussi en tant que substantif. Il désigne bien l’étranger à la nation, à une contrée, à une famille tel qu’en Egypte Joseph devant ses frères où le mot employé est la variante nakar qui signifie aussi paraitre étranger, agir comme un étranger. Il veut rester étranger.
- Nokryi (se prononce nohri le h étant guttural comme la jota espagnole). Il est traduit par étranger dans le sens plutôt d’inconnu, de non familier.
- Zuwr (se prononce zour) désigne ce qui est étranger dans le sens négatif d’étrange, de dégoutant, de fou, voire d’ennemi ou même une prostituée.
- Towshab (se prononce tochav) est un habitant qui vit en tant qu’étranger dans un lieu ou dans une famille mais qui n’est pas étranger au pays.
- Ger (se prononce guèèr) désigne l’étranger qui vit sur la terre d’Israël de façon permanente et auquel la loi donne des droits mais aussi celui qui n’est là que de façon temporaire, en transit plus ou moins long, qui ne souhaite pas s’implanter et donc qui ne peut pas prétendre à certains droits.
On le voit, toute ces nuances ne sont pas toujours très bien rendues dans la plupart de nos traductions alors qu’elles sont importantes pour comprendre quel était le statut de l’étranger tel qu’on l’emploie aujourd’hui dans son sens de venu d’un autre pays, d’immigré. Etant non hébraïsant j’ai cherché par le contexte à saisir les différences de chaque mot mais il est évident que je ne peux en saisir toutes leurs subtilités. A l’époque de l’Ancienne Alliance, les étrangers en transit étaient nombreux à traverser les multitudes de petits territoires où forcément ils étaient étrangers juste pour se rendre dans une autre ville où ils avaient de la famille par exemple. Le déplacement était d’autant plus long s’ils se déplaçaient avec leurs troupeaux qui devaient pâturer sur les terres d’un résident. Cela ne posait généralement pas de problème et était accepté car tous ces peuples plus ou moins nomades étaient tantôt résidents tantôt étrangers d’où les lois du Lévitique qui définissent mais aussi limitent les droits des étrangers qu’ils soient résidents ou en transit.
Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l'opprimerez point. Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte. Lévitique 19/33-34
Dans ces versets, le mot étranger est le mot hébreu ger, l’étranger extérieur à la nation d’Israël qui séjourne plus ou moins longtemps (nous verrons plus loin ce que le verbe aimer signifie dans ce contexte). Cet étranger est soumis à la même loi que les indigènes en ce qui concerne le culte et tout ce qui s’y rapporte ce qui inclut le jour du repos ou le droit de vivre dans une ville refuge s’il a tué quelqu’un involontairement mais exclut la participation à la Pâque :
Si un étranger en séjour chez toi veut faire la Pâque de l'Eternel, tout mâle de sa maison devra être circoncis ; alors il s'approchera pour la faire, et il sera comme l'indigène ; mais aucun incirconcis n'en mangera. La même loi existera pour l'indigène comme pour l'étranger en séjour au milieu de vous. Exode 12/48-49
… Mais le septième jour, tu te reposeras, afin que ton bœuf et ton âne aient du repos, afin que le fils de ton esclave et l'étranger aient du relâche. Exode 23/12
Le livre du Lévitique détaille dans de nombreux versets ce que pratiquer l’indigène et l’étranger dans le cadre du culte rendu à Dieu. Dans tous les versets il est question du même mot hébreu ger. En général nos bibles emploient l’étranger en séjour. Il s’agit de l’étranger qui cherche à s’intégrer à la communauté d’Israël certains s’assimilant complètement en adoptant les lois cultuelles. En revanche lorsque les versets ordonnent une interdiction il s’agit le plus souvent des autres occurrences du vocabulaire hébreu, principalement zuwr ou nekar. Concernant les autres lois civiles par opposition aux religieuses, l’étranger qui vit au milieu du peuple juif ne peut toutefois pas accéder à la propriété de la terre et donc est un des réceptionnaire de la dîme avec la veuve et le lévite (Deut. 26/12). Cette disposition sera supprimée au temps d’Ézéchiel afin de permettre l’occupation des terres plus rapidement après l’exil à Babylone (Ézéchiel 47/21-23). Dans la Bible, les mots étranger et prochain ne sont associés dans un même verset disant que l’étranger est aussi mon prochain pas plus d’ailleurs qu’elle n’en donne la définition parce qu’en fait, comme en français, c’est l’étymologie du mot hébreu qui permet de le définir.
Mon prochain
Le mot que nos bibles traduisent par prochain est en hébreu le mot réa dont la racine à pour sens de base paître, pâturer ce qui est plus proche en français des mots copain, celui avec qui je partage mon pain, ou compagnon, celui avec qui je partage mes activités, tous deux de même origine étymologique. Mon prochain ne peut pas être un inconnu mais quelqu’un de mon entourage que je côtoie plus ou moins régulièrement. Ainsi, l’étranger qui vit près de moi, celui qui s’est implanté et s’est intégré à la société qui régit le pays où nous vivons comme vu précédemment. L’étranger qui choisit le communautarisme ne peut pas être mon prochain même s’il habite le pays car il ne se soumet pas aux lois morales et sociales du pays, il n’en partage pas ses valeurs. Il est défini par les autres occurrences du mot étranger dans la Bible qui ne lui donne que le droit de séjourner tant qu’il est utile à la communauté par son travail (souvent il est esclave ou serviteur dans la Bible) sans autres avantages.
Des étrangers seront là et feront paître vos troupeaux, des fils de l'étranger seront vos laboureurs et vos vignerons. Ésaïe 61/5
Il est l’étranger auquel on prête l’argent avec un intérêt (Deut. 23/20) et que l’on pourra presser à le rendre contrairement à son frère qui bénéficie du droit de relâche (Deut. 15/3), il est puni de mort s’il s’approche du tabernacle (Nombres 1/51, 3/10 et 3/38) ou même seulement des sacrificateurs (Nombres 18/7). On est vraiment très loin de la définition du prochain prônée par la doctrine catholique qui fait de tout homme notre prochain, y compris le migrant alors qu’il n’est même pas arrivé sur notre sol dévoyant même l’enseignement du Christ dans la parabole du bon samaritain comme vous allez voir.
Jésus reprit la parole, et dit : un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s'en allèrent, le laissant à demi mort. Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l'ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu'il le vit. Il s'approcha, et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l'hôte, et dit : Aie soin de lui et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même. Luc 10/30-37
La religion, parasitée par toute la palette des sentiments humains, croit comprendre que la morale de cet enseignement n’est autre que la manifestation du sentiment d’amour qui puise son origine dans l’âme et qu’il est à destination de tout le monde puisque Jésus étant l’incarnation de l’amour de Dieu il nous demanderait d’aimer tous les hommes avec ce genre d’amour. Mais cela est faux et impossible : aucun être humain ne peut aimer tout le monde aussi pour en savoir plus je vous conseille de vous reporter à la page La puissance de l’Amour. Il ne s’agit pas du sentiment d’amour d’un être humain vers un autre mais de manifester l’expression de l’Amour de Dieu tel que Jésus lui-même l’enseigne en Jean 3/16. L’Amour de Dieu consiste à avoir donné sa Parole afin que quiconque croit sa Parole reçoive la vie de Dieu en lui :
Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle (la qualité de vie de Dieu).
L’homme pourrait bien être un être humain quelconque mais le choix des villes est hautement symbolique. Jérusalem est la ville de Dieu depuis le sacrifice d’Abraham et sa rencontre avec Melchisédech le roi de Salem. Or à l’époque de Jésus, Dieu se manifeste toujours dans le temple. Jéricho est la ville païenne qui, avant sa destruction lors de la conquête d’Israël sous la conduite de Josué, était la plus grande ville cananéenne dédiée au dieu de la lune. Jérusalem est bâtie sur des collines dont l’altitude varie entre 550 et 850 m alors que Jéricho se situe dans la dépression de la Mer Morte à 276 m au-dessous du niveau de la mer : on descend donc physiquement à Jéricho comme est descendu Adam de sa position spirituelle près de Dieu pour embrasser la condition humaine dégradée que nous vivons aujourd’hui. De toute l’humanité, seul Adam a connu cette position donc il est l’homme de la parabole qui a choisi de quitter la ville de la paix de Dieu où il dominait toute chose sur terre pour se placer sous l’autorité du diable qui s’en plus attendre s’est empresser de le dépouiller de tout ce que Dieu lui avait donné. Les brigands représentent alors les démons ; remarquez que, de la même manière que l’homme descendait de Jérusalem, il tomba sur les brigands, ce choix des verbes accentuant l’ampleur de la chute. N’oubliez pas non plus ce que Jésus a dit à propos du diable : il ne vient que pour dérober, égorger et détruire (Jean 10/10).
Comme dit plus haut, les protagonistes de cette histoire ne sont pas pris au hasard : le sacrificateur et le lévite sont les deux volets de la religion quelle qu’elle soit à savoir les sacrifices que l’homme fait pour plaire à Dieu (rôle du sacrificateur) et les œuvres religieuses faites au nom de Dieu (les rites accomplis par les lévites). Le fait que l’un et l’autre passe outre signifie que la religion ne sauve personne de sa déchéance spirituelle, ne réconcilie aucun homme avec le Père. Le seul capable de cette œuvre unique est Jésus qui a donné sa vie pour chacun de nous à la croix. Il est symbolisé par le samaritain pour signifier qu’il n'est pas issu des élites religieuses mais vient de la souveraineté de Dieu à exécuter son plan en envoyant son fils qui serait rejeté par la religion. Les juifs et les samaritains avaient de l’animosité et des différends religieux entre eux et Jésus a bien été rejeté violemment par ses propres frères qui n’ont pas su voir en lui l’incarnation de la Parole du Père. Je suis persuadé que les auditeurs juifs de la parabole ont été choqués d’entendre Jésus prendre un samaritain pour lui faire accomplir la loi de l’Amour de Dieu au lieu d’un juif et pourtant il décrivait sa propre situation, Jésus étant aussi un voyageur sur la terre appelé à rentrer auprès du Père. Le samaritain voyageait nous dit le texte alors que les deux autres passaient ce qui signifie qu’ils étayent résidents alors que le samaritain était un étranger dans la région du récit.
Afin de secourir cet homme meurtri il est intéressant de voir ce que fait le samaritain : le texte nous dit qu’il lui banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin. Bien sûr l’huile représente le Saint Esprit dont le ministère est notamment de nous rappeler la Parole de Dieu et le vin symbole du sang de Jésus qui rachète tout homme qui le reconnait comme étant le Sauveur envoyé de Dieu pour le pardon de nos péchés et qui nous purifie de toute iniquité. Une fois l’homme réconcilié avec Dieu par le sang de Jésus et rempli de l’onction du St Esprit, Dieu ne voit plus les plaies qui sont cachées en Jésus comme la bande que l’on pose pour les protéger et qui les soustrait à notre vue. En Colossiens 3/3, l’apôtre Paul ne nous dit-il pas notamment que notre vie est désormais cachée en Christ ?
Outre la prise en charge des premiers secours comme on dirait aujourd’hui et du temps passé aux soins, le samaritain va engager des frais supplémentaires en conduisant le blessé dans une hôtellerie que l’on ne peut que supposer payante pour le gîte et le couvert. Or pour le transporter il le met sur sa monture qui symbolise notre vie que l’on confie à Jésus par la foi lorsqu’on se convertit et le dépôt sur lui de tous nos fardeaux. Certains voient dans les deux deniers que le samaritain donne à l’hôte le symbole de l’Ancien et du Nouveau Testament. Je sais que Jésus, par sa qualité divine, pouvait bien anticiper la rédaction du Nouveau Testament mais je n’y vois aucune cohérence avec la symbolique du sacrifice de Jésus. Je crois davantage que ces deux deniers qui sont une somme pour l’époque, ajoutés aux frais déjà évoqués et ceux éventuels à venir sont le symbole du prix payé par Jésus à la croix pour rançon de nos propres vies. Le récit s’achève par la question de Jésus au religieux et par sa réponse qui nous amène au troisième mot.
La miséricorde
J’avoue que ce mot me dérange un peu dans certaines de nos bibles en français tant il est empreint de religiosité liée plus aux sentiments et à l’âme qu’à l’Esprit. Il vient directement du latin misericors signifiant qui a un cœur sensible au malheur dont dérive misericordia qui signifie compassion, pitié. Il entre en français courant seulement au XVIIe siècle sans doute par pédantisme des religieux qui ont le monopole des Écritures où la Vulgate traduit le mot hébreu checed qui signifie d’abord bonté et, puisque antérieur ne peut pas signifier miséricorde, mot qui désigne uniquement cette bonté de Dieu pardonnant aux hommes comme si l’utilisation des mots existants tels que bonté, grâce, pitié ou compassion, ne suffisait pas. Ce mot est donc parfaitement inutile et n’apporte que confusion dans de nombreux versets dont celui qui nous intéresse ici. Comme pour l’étranger listons d’abord les principaux mots hébreux que certaines bibles traduisent sans nuance par miséricorde.
- checed (se prononce heced le h étant guttural comme la jota espagnole). Ce mot est traduit bonté, grâce, bienveillance et même amour. Sa traduction par miséricorde est certainement due à l’utilisation du texte latin plus utilisé dans les traductions faites à partir du XXIIe siècle au lieu des textes hébreux. Ainsi, au gré des traductions, ce mot hébreu se retrouve traduit dans ses 247 occurrences par les mots précédents qui sont assez interchangeables. Checed est par exemple le mot employé dans tous les versets traduits par sa miséricorde dure à toujours comme dans le Psaume 136 où il figure à chaque verset. Les mots bonté ou amour y seraient plus justes et percutants.
- chanan (se prononce chanane le ch étant guttural comme la jota espagnole). Sur ses 78 occurrences en hébreu, il est traduit par miséricorde seulement trois fois. Il signifie presque toujours le fait d’implorer ou d’accorder une faveur, une grâce ou d’adresser des supplications, de supplier.
- tsedaqah (se prononce tsédacar). Parmi les 157 occurrences de ce mot, toutes sont traduite principalement par justice ou droiture sauf très curieusement cinq d'entre elles où le mot miséricorde est employé alors que justice colle parfaitement au contexte : Psaumes 25/5, 51/14, 69/27, 103/7 et Daniel 9/16.
- Il existe encore d’autres mots hébreux qui sont traduits par miséricorde de façon anecdotique sans trop savoir pourquoi alors que l’hébreu a des significations différentes comme consoler, se repentir, être désolé (nacham) ou épargner, avoir pitié ou au contraire sans pitié (chamal), etc.
Ces variations sémantiques participent en réalité au cheminement de l’attitude que nous avons en face du malheur d’autrui en ce que nous lui exprimons d’abord nos sentiments en lui manifestant notre compassion ou notre pitié qui, selon la proximité que nous avons avec la personne, débouchent sur une action générée par de la bonté. Quand Dieu en est l’auteur cela devient pour nous une grâce et une faveur puisqu’il n’est pas obligé de nous aider mais il le fait quand même quand on le lui demande. Jean nous dit de faire de même :
Si quelqu'un possède les biens du monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeure-t-il en lui ? 1 Jean 3/17.
Donc, il en est une autre qui doit attirer notre attention car elle est capitale pour comprendre l’essence de ce que Dieu dit en réalité et qui n’a rien à voir avec la définition que la religion attribue au mot miséricorde. Il est question du mot racham (se prononce rachame le ch étant guttural comme la jota espagnole) qui signifie compassion, grâce, affection, aimer profondément mais aussi matrice (utérus) d’où sein maternel et ventre de femme ou entrailles par sa racine rechem. Comme vu plus avant, sa traduction en miséricorde est très tardive et la conséquence du latin misericordia qui signifie compassion. Racham est traduit 47 fois par miséricorde, grâce, aimer, etc. mais aussi 44 fois dans son sens de matrice. Dérivé de racham est le mot rachuwn qui est traduit par miséricordieux comme le mot channuwn dérivé de chanan. Or, s’il y a deux mots en hébreu il devrait y en avoir deux dans nos langues qui ne soient pas identiques ni même synonymes puisque tantôt on traduit par compassion, par pitié, par miséricorde qui décrivent un même sentiment. Exemples significatifs :
Mais, dans ta grande miséricorde (racham), tu ne les anéantis pas et tu ne les abandonnas pas car tu es un Dieu compatissant (channuwn) et miséricordieux (rachuwn) Néhémie 9/31.
Mais toi, Seigneur, tu es un Dieu miséricordieux (rachuwn)et compatissant (channuwn), lent à la colère, riche en bonté et en fidélité. Psaumes 86/15.
Il existe au moins 13 versets sur ce modèle où la traduction par miséricordieux et compatissant nous laisse croire que nous imitons l’hébreu qui emploie deux mots distincts alors que nous disons la même chose. Or comme dans la Parole de Dieu chaque mot est bien pesé c’est bien que nos traductions ne sont pas correctes et que le mot miséricorde doit être enlevé de nos traduction pour coller à chaque concept de l’hébreu. En ce qui concerne donc cette variante il est clair qu’il ne s’agit plus de cette compassion, piété ou autre faveur passive qui nous fait exprimer de la compassion et un sentiment de tristesse dans l’épreuve mais bien d’une compassion positive destinée à régénérer spirituellement la personne car c’est uniquement de cela qu’il s’agit, les actions physiques et toute l’aide nécessaire étant faites naturellement même par les païens. De la même manière que l’amour de Dieu se manifeste par l’envoi de sa Parole aux hommes, il est celui qui, toujours par sa Parole et son St Esprit (lire Le bras et la main de Dieu) régénère chacun dans l’épreuve par l’espérance que procure sa Parole. A. Chouraqui dans sa traduction utilise le verbe matricer en expliquant que la principale fonction de Dieu est d’être la matrice de l’Univers, ce que je rapproche ici du verset en Hébreux 1/2-3 où il nous est dit que Dieu soutient tout par Jésus, sa Parole :
… Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, par lequel il a aussi créé le monde et qui, étant le reflet de sa gloire et l'empreinte de sa personne, et soutenant toutes choses par sa parole puissante, …
Dans le monde, au cours de leur vie, des millions de gens secourent et sont secourus eux-mêmes sur le plan naturel. Cela participe à cette solidarité activée par le processus de compassion-action décrit plus haut mais auquel il manque la régénération, l’espérance que doit insuffler le vrai chrétien qui témoigne de la bonté de Dieu afin de fortifier la personne sur le plan spirituel, le niveau plus élevé qui va permettre à cette personne de développer sa confiance en l’Amour de Dieu pour à son tour régénérer quelqu’un d’autre, un autre prochain tel que la fait le samaritain. Je sais, certains sceptiques m’opposeront que la parabole est écrite en grec mais d’une part le dialogue entre Jésus et le religieux était en hébreu ou en araméen et d’autre part, le mot grec eleos du verset qui signifie pitié, se mute en miséricorde pour les mêmes raisons de postériorité des traductions sous l’influence de la Vulgate latine, sans les nuances que nous avons décrites en hébreu.
Régénérer, par son origine latine, signifie faire revivre, reproduire et jusque vers le XIIIe siècle était employé dans le sens de faire revivre sur le plan spirituel ce qui est précisément le sens que Chouraqui en fait par l’emploi de matricer. Cela ne vous rappelle-t-il pas la rencontre de Nicodème avec Jésus où, pour la nouvelle naissance, Nicodème pourtant un docteur de la loi pose cette question alors que Jésus lui parle sur le plan spirituel : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? De même cela ouvre un autre niveau de compréhension en de nombreux versets comme en Luc 6/36 : Soyez donc matriciels, (miséricordieux), comme votre Père est matriciel (miséricordieux) jusqu’au sermon sur la montagne où Jésus ne parle pas des miséricordieux de nos traductions bien pâles : Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Ce verset ne veut rien dire car si vous le remplacez par l’idée de pitié, bonté, amour, grâce présent en hébreu au lieu de l’idée de régénération spirituelle vous arrivez à une incohérence quant à la Parole de Dieu puisque selon cette même Parole, Dieu est bon avec tous les hommes même avec les ingrats et les méchants (Luc 6/35), il nous a tant aimé alors que nous n’étions pas aimables, il a eu pitié de nous en envoyant Jésus et il fait grâce à qui il veut. En revanche ceux qui régénèrent les autres sont constamment régénérés pour justement leur permettre de régénérer à nouveau leurs prochains ; c’est de cela qu’il s’agit et c’est autrement plus motivant et enthousiasmant que de travailler avec Dieu à incarner la Parole comme Jésus l’incarnait.
En marche (voir Le bien être) les matriciels car ils seront matriciés [sic].(Matthieu 5/7, version A. Chouraqui) ou bien,
En marche (voir Le bien être) ceux qui régénèrent autrui car ils seront eux-mêmes régénérés.
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