Des églises automutilées

Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres com­me pasteurs et docteurs pour le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ ... (Éphésiens 4/11-12)

Et Dieu a établi dans l'Église premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont les dons de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues. Tous sont-ils apôtres ? Tous sont-ils pro­phètes ? Tous sont-ils docteurs ? Tous sont-ils docteurs ? Tous ont-ils le don des miracles ? Tous ont-ils le don des guérisons ? Tous parlent-ils en langues ? Tous interprè­tent-ils ? (1 Corinthiens 12/28-31)

Ces deux versets bien connus des églises semblent identiques et sont accueillis par elles comme novateurs en tant que modèle dans l’organisation des églises et par con­séquent de l’Église. En fait ils ne sont pas tout à fait identi­ques et ils ne sont pas non plus nouveaux, une configura­tion similaire existait déjà dans l’Ancienne Alliance sous des noms parfois différents (lire avant la page Les soupirs de l’Église à laquelle ce qui suit fait souvent référence). Le verset de Corinthiens nous indique dans quel ordre les ministères spirituels oints doivent se succéder pour im­planter l’œuvre de Dieu : d’abord un apôtre, puis un prophète (même si souvent une même personne est à la fois apôtre et prophète pour initialiser une œuvre), puis, à la troisième place, des enseignants. L’énumération se poursuit sans indication d’ordre puisqu’en fait cela dépend de la croissance obtenue par les trois premières interven­tions même si le don des miracles me semble corrélé aux ministères d’apôtre et de prophètes d’où sa position en quatrième place dans le texte. Ensuite Paul énumère tout ce qui est utile au fonctionnement spirituel de la commu­nauté nouvellement crée. Si cette dernière est le prolonge­ment d’une église-mère, nécessairement il doit y avoir eu à un moment ou à un autre un apôtre à la source comme dit dans la page précitée.

Le passage d’Éphésiens reprend d’abord cet ordre dans les ministères avec une petite nuance puisqu’il intercale le ministère d’évangéliste et rattache sans ambiguïté celui de pasteur au ministère d’enseignant pour ensuite nous dire quel est le but de ces ministères : édifier spirituellement le corps de Christ. Donc un pasteur, doté des caractéristiques du berger tel que nous l’avons vu dans la page Les soupirs de l’Église, a pour vocation l’enseignement des disciples en vue de transmet­tre puis de développer l’Esprit de Christ en chaque disciple. Si en plus il est prophète ce sera une grande bénédiction pour la communauté. Toutefois un apôtre, prophète qui s’installe durablement comme pasteur donc enseignant et qui dirige l’église laissera peu de place à l’expression des dons que Dieu a envoyés dans la communauté ; beaucoup de nos églises fonctionnent pourtant ainsi. Paul et aucun apôtre n’étaient pasteur ou dirigeant d'une église !

Maintenant regardez bien les fonctions qui doi­vent participer à la construction de chaque communauté. Il est évident pour moi que la liste n’est pas exhaustive et que tout ce qui concourt au perfectionnement des saints et à l’édification du corps de Christ a sa place dans l’Église. Il est aussi évident pour moi que chaque église locale n’est pas toujours à la bonne échelle pour bénéficier de certains ministères de façon permanente d’où l’importance des ministères dits itinérants qui semblent avoir disparus de nos églises sous quelques formes que ce soit : rares, en effet, sont les églises qui invitent des personnes ointes et reconnues compétentes dans un domaine pour transmet­tre ce que Dieu leur révèle et qui enrichirait l’Église afin d’être cette voix qui attire les païens par nos fruits. Reve­nons au texte de Corinthiens : Paul nous parle du don de secourir et de celui de gouverner pour lesquels, en qua­rante ans de conversion, je n’ai aucun souvenir d’avoir entendu une seule prédication dans nos merveilleuses églises. D’abord ce n’est pas parce que Paul n’a pas écrit à la suite des autres phrases tous ont-ils le don de secourir ou celui de gouverner que tout le monde est capable de le faire sans avoir reçu ces dons.

En Romains 12/8 Paul nous dit que celui qui préside le fasse avec zèle. Diriger, organiser, gérer participent à la notion de gouverner or ce mot vient du grec (kubernesis) via le latin (gubernare) qui signifie dans les deux langues d’abord diriger un navire puis très rapide­ment "exercer un pouvoir politique". Parce que cette lettre écrite en grec pour des grecs ne peut donner lieu à aucune interprétation d’ordre spirituel par l’emploi de kubernesis, il est très clair que Dieu souhaite donner à l’Église des per­sonnes capables de gouverner sur le plan politique mais aussi de diriger les structures économiques que l’Église est censée favoriser par la mutualisation des moyens et la rencontre des talents entre les chrétiens des diverses églises locales (voir Les soupirs de l’Église). Trop souvent les pasteurs s’octroient toutes les fonctions dans les églises comme si Dieu leur avait accordé tous les dons et les chré­tiens qui pourraient développer des projets ne se rencon­trent jamais. Si Dieu compare l’Église à un corps c’est bien pour qu’une personne ne s’accapare pas toutes les respon­sabilités, toutes les fonctions. Dès lors, ne vous plaignez pas si des disciples quittent votre église, frustrés de ne pas pouvoir exprimer le don que Dieu leur a confié pour bénir la communauté et je ne parle pas des éternels insatisfaits qui quittent l’église pour les mauvaises raisons et vont d’église en église sans s’y planter. En ne gouvernant pas le profane qui l’entoure, l’Église laisse le champ libre aux idéologies et religions diaboliques de le faire à notre place.

Je vous rappelle ici que le chapitre 12 se termine par "Aspirez aux dons les meilleurs et je vais vous montrer une voie plus excellente". Or cette voie n’est autre que le fameux texte sur l’amour du chapitre 13 qui nous dit que tout ce que nous faisons est inutile sans l’amour aussi je doute que ceux qui font des choses sans en avoir reçu le don les fasse dans l’amour car l’amour ne cherche pas son intérêt, il ne soupçonne point le mal (donc fait confiance), il supporte tout et surtout ne s’enfle point d’orgueil au point de frustrer ceux qui possèdent des dons. Pourquoi rendre mal à l’aise des personnes qui ne sont pas faites pour certaines tâches en les contraignant à les faire pour leur apprendre soi-disant la patience, l’humilité ou la persévé­rance ? Tout le monde y perd de son énergie et de son temps : pour chaque tâche, Dieu a prévu la bonne person­ne, celle qui va y prendre plaisir. Comprenez bien que je ne parle pas ici des tâches ponctuelles que chacun peut faire parce que disponible mais plutôt, par exemple, ne me demandez pas d’enseigner des petits enfants, je n’ai ni la patience ni les mots pour me mettre à leur portée au-delà d’une heure ; par contre je peux enseigner des journées entières toute personne motivée qui a soif d’apprendre. Il y a vraiment encore du travail pour pointer nos églises vers l’excellence et la confiance !

Avant le don de gouverner il y a celui de secourir ou du moins c’est ce que rapporte toutes nos bibles en français. Dans la version anglaise on trouve le mot aider ou aide ce qui est assez proche. Je me suis quand même bêtement posé la question suivante : a-t-on besoin d’avoir un don pour secourir ou aider quelqu’un en tant que chrétien ? Il me semble que tout le monde peut apporter une aide à une personne en difficulté et que posséder un don ne change rien dans la mesure où on n’a pas les moyens matériel de répondre à l’attente du demandeur. Non décidément, une fois encore nos traductions semblent bien superficielles et éloignées de l’esprit de la Parole. Le mot grec utilisé ici est antilepsis et c’est sa seule occur­rence. C’est un substantif et non pas un verbe qui signifie perception, appréhension et non pas aide ou service qui traduisent à 37 reprises diakoneo. Ce qui demande l’octroi d’un don divin ne peut donc pas être quelque chose que chacun peut faire or c’est le cas ici.

Le don cité par Paul est celui de l’appréhension des situations, des problèmes, appréhension signifiant, dans sa définition première, saisir, comprendre dans l’esprit, avoir la percep­tion d’une chose à résoudre, sorte le don de connaissance concernant les décisions à prendre dans l’intérêt de l’église. Les lettres de Paul sont adressées à des églises naissantes qu’il a parfois installées lui-même et celle de Corinthe, si on en juge par les remontrances que Paul leur adresse, n’était pas un modèle de perfection. Pourtant, comme à celle d’Éphèse, c’est à elles qu’il ensei­gne l’organisation de l’Église dans ce que nous venons de voir. Je sais bien que c’est aussi pour nous et peut-être surtout pour nous aujourd’hui mais il n’empêche qu’il consacre tout un chapitre à la comparaison au corps physique prouvant l’importance de l’équilibre à avoir dans l’expression des dons au sein de l’Église.

Pour terminer et bien qu’il y aurait beaucoup à dire sur ce qui suit, je me contenterai de vous citer certains passages du Nouveau Testament concernant la fonction des anciens dans l’église par rapport à celle des pasteurs, ne faisant aucun commentaire pour éviter de m’attirer le courroux des grands hommes de Dieu de la francophonie que je ne veux surtout pas embarrasser dans leur façon d’aborder l’organisation de l’Église puis je rapporterai le texte de Watchman Nee dans son livre La vie normale de l’église (1969, édition de 1987) afin que chacun possède des éléments de réflexion. Est-ce parce que vous priez 2 à 5 h par jour que cela empêche le Seigneur de parler à qui­conque sur des thèmes qu’il étudie dans la Bible ? J’ai lu qu’il avait utilisé un prêtre païen en la personne de son beau-père pour conseiller Moïse qui pourtant voyait Dieu face à face. C’est fou ce que je dois prendre de précautions pour éviter l’indifférence et le mépris de certains minis­tères et si vous trouvez cela normal c’est que le corps de Christ est bien installé dans ses traditions. Pourquoi, le Seigneur ne m’aurait-il pas choisi et oint pour participer d’une façon ou d’une autre à l’édification du corps de Christ à travers l’organisation parfaite et transposable que l’on peut voir dans sa création : souvenez-vous du pro­phète Jérémie qu’aucune autorité religieuse n’a écouté !

Ils (Paul et Barnabas) firent nommer des anciens dans cha­que Église et, après avoir prié et jeûné, ils les recomman­dèrent au Seigneur en qui ils avaient cru. (Actes 14/23)

Il faut donc que l'évêque (l’ancien) soit irréprochable, … car si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison, com­ment prendra-t-il soin de l'Église de Dieu ?(1 Timothée 3/5)

Que les anciens qui dirigent bien soient jugés dignes d'un double honneur, surtout ceux qui travaillent à la prédica­tion et à l'enseignement. (1 Timothée 5/17)

Je t'ai laissé en Crète, afin que tu mettes en ordre ce qui reste à régler et que, selon mes instructions, tu établisses des anciens dans chaque ville. (Tite 1/5)

Le mot évêques ou anciens (presbuteros en grec) étaient, dans l’église primitive, ceux qui présidaient et dirigeaient l’église et les versets précédents montrent bien qu’ils sont distinct des ministères établis par Dieu. Presbuteros a donné le mot prêtre en français qui, comme le mot évêque, a été corrompu par la valeur sacerdotale que lui a donnée l’église catholique, valeur qu’il n’avait pas dans la Bible. Extraits du livre de Watchman Nee :

Nous (les pasteurs et les apôtres) ne devrions jamais cares­ser l'espoir que "notre" enseignement sera le seul accepté par toute l'église (locale). Jamais la pensée de dominer l'église par notre personnalité ou par notre ministère ne devrait effleurer notre esprit. Nous devons laisser le champ libre à tous les serviteurs de Dieu. Nul besoin de construire un mur de protection autour de "notre propre troupeau" pour le défendre contre les enseignements des autres. Si nous le faisons, nous agissons comme un pape. Nous pou­vons sans crainte compter sur Dieu pour protéger notre ministère et nous devons nous rappeler que, "pour le per­fectionnement des saints", les différents ministères de tous les serviteurs de Dieu fidèles sont nécessaires. La responsa­bilité locale repose sur les anciens; c'est à eux de veiller à l'intérêt du troupeau en ce qui concerne les ministères.

Dans le Nouveau Testament il n'est fait nulle part mention d'une église dont un "pasteur" dirigerait les affaires. Cette charge est toujours assumée par un groupe d'anciens de la localité.

Avec les évêques et les diacres il y a tous les saints. Ces trois catégories constituent toute l'église et aucune autre catégorie de personnes ne peut être introduite dans une église sans faire d'elle une organisation non scripturaire. .

Les églises de Dieu sont toutes dirigées par des anciens et les anciens sont tous choisis parmi les frères de la localité.

Quand un serviteur de Dieu se rend dans un endroit, sa première tâche doit être de fonder une église locale à moins qu’il n’en existe déjà une. … Le but de l’apôtre est d’édifier l’église, non d’édifier une œuvre ou celle du groupe de personnes qui l’a envoyé, quel qu’il soit. D’où provient l’échec des missions actuellement ? Elles gardent les fruits de leur travail entre leurs propres mains.

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