Les soupirs de l'Eglise

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Mise au point linguistique

 

Comme tous les mots employés dans la Bible et que nous étudions sur ce site, il en est un fondamental pour la chrétienté : le mot église, l'Église de Jésus-Christ, la seule à prétendre se référer de ce mot. En effet, si vous rejetez Jésus-Christ comme il s'est défini lui-même en tant qu'homme et Fils de Dieu vous ne pouvez pas appeler votre secte une église puisque vous en reniez son fonda­teur (voir le mot chrétien à la page sur le christianisme). Décryptons le mot lui-même afin de nous focaliser sur son rôle et d’en élargir l’objectif par la mise en place d'une forme d'organisation qui lui fait défaut.

Et moi je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre je bâtirai mon Église et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. (Matthieu 16/18)

Assurément voici la naissance officielle de l'Église avec sa majuscule dans la version Louis Segond. Assurément, dites-vous, car c'est la première occurrence de ce mot dans les textes bibliques comme s'il s'agissait de la naissance d'un concept surnaturel nouveau. En tous cas c'est bien ce que la Tradition, encore elle, vous amène à croire afin de ne pas voir ce dont Jésus parlait et que ses contemporains comprenaient sans difficulté. Il faut bien avouer qu'après plus de 2000 ans, ce mot désigne tour à tour tellement de chose qu'il est difficile de savoir de quoi on parle quand on l'emploie. L'Église est aussi qualifiée d'universelle et donc souvent écrite avec une majuscule en parlant de la somme de toutes les dénominations qui se déclarent chrétiennes : réformée, anglicane, catholique, orthodoxe, maronite, copte, baptiste, pentecôtiste, charismatique, méthodiste, évangélique, etc. toutes travaillant à des œuvres si origi­nales que toutes font des choses similaires dans leur coin, en bonne tribu et comme expliqué à la page Une nation passive.

Toutes enseignent parfois des doctrines fort éloignées de la Vérité de la Parole de Dieu à laquelle chacune prétend toutefois se référer, certaines donnant alors plus de poids à leurs traditions religieuses qu'à l'enseignement même du Christ. L'Église dont il est ques­tion ici est bien entendu celle qui se réfère uniquement à cet enseignement et qui prêche la repentance et le chan­gement de vie. Tout ce que les églises font est nécessaire sur le plan social mais représente ce que j'appelle l'atelier des réparations : toutes ces œuvres manquent de pragma­tisme et d'efficacité bien que pour chaque église locale elles soient considérées comme parfaites.

Au Moyen-âge, par métonymie c'est à dire par transformation due à l'usage, le mot "église" désigne seulement le bâtiment pour enfin retrouver aujourd'hui, mais seulement chez quelques unes, sa définition spiri­tuelle : la somme des personnes nées de nouveau, formées pour être des disciples, selon l'enseignement du Christ. Selon Jean 1/12, reconnaître Jésus comme son Seigneur et Sauveur ne fait pas de vous un disciple mais cela vous donne juste "le pouvoir de devenir enfant de Dieu". C'est l'Église qui a pour mission de faire de vous un disciple par l'enseignement de la Parole ce qui suppose d'être fidèle à votre église car c'est dans l'église seule que Dieu a choisi de vous enseigner et vous qualifier pour le Ciel ! Pour vous qui êtes dans ce cas, cela paraît peut-être évident mais n'oubliez pas que pour la grande majorité, l'église désigne seulement le bâtiment et les dogmes religieux qui y sont enseignés.

Or, Dieu n'habite pas dans un bâtiment fait de mains d'hommes comme la Bible nous le dit à plusieurs reprises. Dieu habite au Ciel ! Enfin les lettres du Nouveau Testament nous enseignent que l'église est à la fois le corps du Christ et son épouse : mais comment son corps peut aussi être son épouse ? La Bible nous parle souvent par des images, autant d'analogies, de métaphores pour nous montrer ce que cela représente réellement pour Dieu et nous verrons ici que la Bible utilise d’autres images pour parler de l’organisation de l’église que nous connaissons sans toutefois aller en profondeur. Ici le corps et l’épouse nous parlent à la fois de l'amour de Dieu pour son Église comme de sa nature divine, l'épouse étant un être en tous points identique à l'époux (Genèse 2/18) avec sa fonction particulière comme dans le couple mais aussi de son dou­ble rôle sur terre, d'ambassadeur et de serviteur de la volonté de Christ, la tête de l'Église, l'Esprit qui anime donc son "corps" resté sur terre.

 

Mise au point linguistique


Dans le passage de Matthieu cité plus haut, le mot grec traduit par église est "ekklesia". D'accord, mais ce mot ne pouvait pas signifier "église" puisque "église" est dérivé d’ekklesia ! Jésus a employé un mot de langue sémite qui a été traduit en grec par ekklesia et qui signifie "assemblée". Cela est d'une grande importance parce que si on admet que l'église est une assemblée de fidèles tel qu’on le disait au début du Moyen-âge et raccourci de nos jours en assemblée, alors on est bien dans la philosophie grecque et par la suite occidentale où l'assemblée est un ensemble de personnes réunies par des valeurs spéciales qui la qualifie. Les membres d'une même assemblée parta­gent des valeurs d'abord spirituelles puis doctrinales puis dogmatiques puis religieuses qui s'expriment dans le ou les bâtiments qui les abritent et qu'on appelle une église ou notre groupe de quartier ou que sais-je encore. En dehors de ce bâtiment on parle des choses qualifiées de païennes ou de purement matérielles en opposition au discours spirituel tenu dans les églises, bref on parle du reste de nos activités qui occupe quand même une grande partie de notre vie mais dont on ne parle quasiment jamais dans les églises et on se demande bien pourquoi. Notez au passage que le mot "église" remplace le mot assemblée dans une grande partie du Nouveau Testament bien qu'il ne devrait pas s’y trouver comme nous venons de le démontrer. Curieusement, 23 occurrences du mot "assemblée" ont été conservées face aux 108 occurrences du mot "église" intro­duit : pourquoi cette distinction illégitime ?

En réalité, partout ou nous trouvons le mot grec "ekklesia" Jésus a prononcé le mot "qahal", mot qui comprend 112 occurences dans l'Ancien Testament. Les Septantes ont traduit "qahal" par "ekklesia" et pourtant, en français, pas de trace du mot "église" dans l'Ancien Testament. Ah tiens, voilà du nouveau dans notre enquête. Je reviens donc à ce que je disais à propos de tous ces mots imprégnés de religiosité (écritures, saint, loi, apôtre, disciple, prier, etc.) : le mot "église" n'a plus aujourd'hui la même signification qu'au moment où Jésus prononce "qahal". La meilleure traduction de ce mot serait "commu­nauté" en référence à l'étymologie première du grec "ekklesia" qui signifie "appelé hors de". Donc là, c'est différent car sa communauté est appelée à vivre "hors de" quelque chose et nous savons que ce quelque chose s'appelle le système du monde. La Bible dit alors que les individus doivent être saints c’est à dire à part, comme Dieu est saint et que la communauté doit être un ensem­ble participatif de personnes réunies par des valeurs spéciales et qui se sont organisées pour être autonomes autant que possible.

Par rapport à une simple assemblée, ce qui change, c'est la notion de participation dans la mutualisation des moyens pour bâtir des projets et créer une activité qui impacte concrètement la nation. Dans l'antiquité une "ekklesia" était justement une institution bien établie qui avait pour mission de diriger et de gérer toutes les affaires de la cité-nation telles qu'elles existaient dans le monde hellénique. C'est la raison pour laquelle les romains voyaient dans l'église naissante une source de pouvoir dangereux pour l'Empire. La nation chrétienne devrait être ce pays dont les frontières géographiques sont la planète toute entière : qu'y a-t-il de difficile à commen­cer au moins dans nos pays respectifs ? Cette définition de "ekklesia" nous amène à un autre mot que l'on a plus ou moins galvaudé, le mot "communion" avec la fameuse communion fraternelle exhortée dans le Nouveau Testa­ment. Mais en grec "koinonia" n'a rien de sentimental ou de religieux. Il signifie "partager quelque chose ensemble" et donc parle d'entraide, de partenariat entre les frères, de mise en commun (mais pas de communisme). C’est le mot en Actes 2/42 qui parle de communion fraternelle. Aujour­d'hui nous parlons plutôt de mutualisme car communion est devenu un terme religieux formé pour la religion.

Le rôle des disciples de Jésus comme celui de tous disciples de tous les courants de pensées hébraïques com­me celui de tous disciples de tous les courants païens était de propager l'enseignement du maître. Dans le Nouveau Testament, le grec les nomme apostolos signifiant envoyés dont on a tiré apôtres en français et qui est la traduction en grec de l'hébreu shelihims. Or ce mot signifie adeptes (d’un ensei­gnement) et désigne aussi les envoyés des communautés d'Israël ou des partis qu'Israël déléguait constamment, de Terre Sainte vers la diaspora, pour entretenir le zèle des communautés hébraïques et recevoir leurs offrandes en faveur de la nation. Ainsi, les envoyés de Jésus devaient annoncer la foi en la bonne nouvelle du Royaume de Dieu dont le sacrifice de Jésus qui nous réconcilie définitivement avec Dieu, avec démonstration d'Esprit et de puissance. A partir de leur enseignement ils devaient organiser des communautés civiles fondées sur la liberté du Christ et dirigées par le Saint Esprit et non pas des ordres religieux qui sortiraient les hommes de l'esclavage de la loi pour les placer sous le joug de nouvelles traditions et rites à accom­plir.

En prononçant ce mot "d'envoyés" les disciples com­prennent qu'ils doivent aller par tout le monde connu annoncer cette bonne nouvelle exclusivement aux juifs, selon la tradition des shelihims. Chacun sait qu'il a fallu la vision de Pierre et l'appel de Paul pour que les disciples comprennent enfin que Dieu ouvrait le salut aussi aux païens afin que tous les hommes aient Jésus pour modèle spirituel. Par ailleurs, remarquons l’association des mots que fait Jésus dans ce domaine : le disciple n'est pas plus que le maître, ni le serviteur plus que son seigneur (Mat­thieu 10/24). Jésus construit deux couples de relations, le disciple et le maître d'un côté et le serviteur et le seigneur de l'autre parce qu'il s'agit de deux relations différentes qui ne sont pas permutables. La première se rapporte à l'enseignement, le rôle du maître et la seconde se rapporte à l'autorité dans la possession, seigneur signifiant à l'ori­gine souverain, roi (dont sire). Un disciple pouvait avoir plusieurs maîtres ou du moins en changer mais un servi­teur ne peut avoir qu'un seul seigneur et ne pouvait en changer. Or Jésus nous dit que lui, il est les deux à la fois : "Vous m'appelez Maître et Seigneur et vous dites bien car je le suis." Jean 13/13.

 

A suivre : N'achetez plus de serpillières